Antonin Iommi-Amunategui
Nicolas – la chaîne de commerces de vin bien connue appartenant au puissant groupe Castel –, c’est près de 500 boutiques ou bars à vin, en France, au Royaume-Uni, en Belgique, et un chiffre d’affaires annuel dépassant les 250 millions d’euros.
C’est aussi, à la caisse, des vendeurs à peine formés. Et en rayon,
des vins qu’on trouve pour la plupart dans la grande distribution – mais
jusqu’à deux fois plus chers chez Nicolas.
En fait, les Nicolas, ce sont les bernard-l’hermite du vin, ils
squattent l’habitat naturel des véritables cavistes... On a recensé cinq
très bonnes raisons de ne plus jamais y mettre les pieds.
1
La sélection est banale
Priorité aux producteurs poids lourdsEt pour cause : Eudes Morgan, le directeur général de l’enseigne, a expliqué dans une longue interview ne sélectionner aucune référence produite à moins de 30 000 cols.
« 3 000 bouteilles ne nous suffisent pas [...] Pour rentrer à l’année, il faut 30 000 ou 40 000 bouteilles, pour un petit producteur ce n’est pas facile. »Pas facile ? Cela exclut en réalité la totalité des artisans viticulteurs travaillant sur de petites surfaces, et oriente nécessairement la sélection de Nicolas vers les poids lourds du secteur. Le DG explique également vouloir des vins qui « rassurent » le client :
« La mode des vins sans soufre (sic) et biodynamiques attendra. »
2
Les vins sont plus chers qu’ailleurs
114 euros chez Nicolas, 60 chez LeclercJusqu’au double, on le vérifie depuis des années :
- en 2008, à Rouen, je sursaute devant un Château Pape Clément 2004 à 114 euros chez Nicolas contre environ 60 euros au Leclerc d’en face ;
- en 2010, à Paris, je tique devant un Château Fonroque 2007 : 33 euros chez Nicolas, 20 euros au Monoprix à côté.
Il y a bien quelques bons vins dans la sélection de Nicolas ; mais si on peut les trouver – pour beaucoup d’entre eux – à deux pas et jusqu’à deux fois moins cher, quel intérêt ? C’est la double peine : vous payez plus cher un vin très courant.
3
Le service est bidon
« Il est très bon ce vin, je l’ai bu hier. »« Pour être embauchés, les apprentis cavistes n’ont nul besoin de connaître la différence entre un volnay et un gevrey-chambertin. Nicolas se fait fort de leur apprendre le B.A.-BA de la bonne bibine en seulement un mois. Soit deux semaines de formation au siège et deux semaines en magasin pour s’initier aux cépages et appellations. »Avec une phrase magique, à ressortir à loisir :
« Oui, il est très bon ce vin, je l’ai bu hier soir avec ma femme. »Leurs conseils en matière de vin sont donc – dans le meilleur des cas – très approximatifs.
J’ai voulu tester moi aussi. J’entre dans un Nicolas, je dis que je cherche un sauvignon. C’est le traquenard classique : si le vendeur ne me propose pas un sancerre blanc (100% sauvignon) dans les deux minutes, c’est qu’il n’y connaît que pouic.
« Du sauvignon ? Je n’ai pas de 100% sauvignon », me dit-il à un mètre d’une bouteille de sancerre. Il me conseillera ensuite un rosé de cabernet-sauvignon de chez Gérard Bertrand, en précisant que « c’est du vin naturel » (ce qui est faux, mais c’est une autre histoire).
4
Ce sont des supermarchés déguisés
Les mêmes techniques de marketing qu’à Auchan- sa sélection de vins, très proche de celles des supers et hypermarchés, (avec en tête des critères, bien avant le goût, le volume de bouteilles disponibles pour une cuvée donnée) ;
- une organisation et une logistique décrite par Capital comme « ultra centralisées, quasi militaires, calquées sur celle de la grande distribution » ;
- les méthodes de vente et de marketing appliquées (formation expresse et orientée des vendeurs, promos identiques et simultanées dans tous les magasins).
5
Ils occupent l’habitat naturel des vrais cavistes
On devrait appeler les Nicolas des « dépanneurs »Au fond, les Nicolas doivent être pris pour ce qu’ils sont : des dépanneurs, comme on dit au Québec ; des épiciers trop chers où l’on ne va que si on n’a pas le choix, vite fait, parce qu’il nous manque une brique de lait (ou, en l’occurrence, une bouteille de vin).
Si on a un minimum le choix, le caviste indé – le vrai caviste – est toujours plus intéressant : il a une sélection unique, la sienne, avec des vins souvent méconnus, qu’il découvre et recommande personnellement.
Surtout, cet artisan-caviste tente de gagner sa vie en vendant les vins d’artisans-vignerons : c’est donc un cercle vertueux.